Ce soir, il a encore pris son pied. Il m’a violemment tiré les cheveux, brisé ma tablette, profané des menaces. Je n’ai pas connu cet homme. Le gentleman que j’ai connu est quelque part enfoui en lui. Cette noirceur qui fait surface, tous les humains l’ont en eux. Il va changer. Il n’est pas une personne violente. Une voix au fond de moi me cria : ce monsieur va encore recommencer, t’agresser, te tabasser sans ressasser, t’humilier, te traîner du balcon au salon. Face aux violences conjugales, briser le silence est le premier acte de délivrance.

Un autre soir, il est rentré avec un air fâché, un visage serré, les poings fermés. Il m’a jeté la clé en pleine figure. Je sais qu’il traverse une mauvaise période au travail. Je dois le soutenir et prier pour lui. Sans lui, je suis ne suis pas une femme comblée. On s’est dit oui, pour le meilleur et pour le pire. Je l’aime et j’aime notre fille. J’adore cette famille. La voix dans ma tête cria de nouveau : la porte est ouverte…pas de valises, pas de meubles…juste une fuite loin de lui. Face aux violences conjugales, briser silence est le premier acte de délivrance.

Un matin, comme d’habitude, j’ai pris une douche, je me suis habillée, j’ai maquillé mes démons. La frime, le paraître, les apparences, le masque, la comédie, le voile…personne ne se doute de rien. J’ai salué la voisine. Elle m’a répondu avec enthousiasme. Il paraît qu’elle m’envie. Moi qui donnerais tout pour essayer sa vie. Je fais tout pour montrer que je vais bien. Mais je vais bien mal. Le soir, il était de bonne humeur. J’étais contente. Les choses iront peut-être mieux les jours à venir. Sauf que je me suis réveillée avec des bleus. Face aux violences conjugales, briser le silence est le premier acte de délivrance.

Le lendemain, j’ai décidé de partir. Il n’a pas supporté. La dispute a dégénéré. J’ai pris des coups sur mon visage. Il a verrouillé la porte, confisqué mon passeport et ma carte d’identité. Ma fille en larmes observait la scène. Le salon est devenu une scène de crime. Avec un ciseau, il m’a blessé à plusieurs endroits. La police est venue. Ils sont venus avant le dernier coup qui allait peut-être m’achever. Je perdais déjà connaissance. Si ma fille n’avait pas appelé la police, je ne serais plus sur ce lit d’hôpital en train de vous parler. Face aux violences conjugales, briser le silence est le premier acte de délivrance.

Ils l’ont emmené. Sera-t-il jugé ? Je ne pense vraiment pas. Sauf si la justice de notre pays reste encore une justice. En général on choisit de croire l’homme. Sur ce lit, je me suis demandée : comment j’ai pu accepter cette violence ? Comment j’ai pu laisser mes convictions pour si tant d’inhumanités ? Je n’ai pas trouvé la force de partir parce que je m’accrochais à une illusion. J’ai failli payer au prix de ma vie. Ne faites pas comme moi. Cherchez de l’aide dès les premières insultes. Parlez-en. Face aux violences, brisez le silence !

Chanceline MEVOWANOU