Derrière chaque réussite, il y une montagne de détermination et de travail sans abnégation. La réussite n’est pas un hasard. Pourquoi je dis cela ? 👉👉👉 En 2019, j’avais demandé à des ami.e.s de me fournir des contacts de footballeuses africaines. Je voulais discuter avec ces dernières et m’enquérir de leurs réalités. Ainsi, une amie m’a envoyé le lien vers une interview-portrait réalisée par BBC AFRIQUE sur une footballeuse togolaise.

Il s’agissait de WOEDIKOU AFI APEAFA connu sous son pseudo Mafille. J’ai suivi l’interview à plusieurs reprises. Ensuite, j’ai pris contact avec cette elle via les réseaux sociaux. J’ai déposé un message le 16 Septembre 2019 à 14h 28 minutes et je me disais qu’avec un peu de chance, j’aurais un retour. Elle m’a répondu quelques minutes après. On a échangé. Je lui ai proposé de l’interviewer pour mon blog. Elle a accepté.

Pourquoi le pseudo Mafille ?

WOEDIKOU MAFILLE :  À l’État civil, je suis WOEDIKOU AFI APEAFA. Mafille, c’est le petit prénom que mes parents m’ont donné. Je suis leur fille unique et ils m’ont surnommé ainsi.

Alors Mafille, (😉😉😉) pourquoi le football ?

WOEDIKOU MAFILLE : Toute petite, je regardais des matchs de football à la télévision. Quand je voyais Emmanuel ADEBAYOR en train de jouer, j’étais inspirée. Mais ce sont les garçons qui jouaient. J’ai résisté au départ. Un jour, je me suis dit : les garçons ne jouent pas avec leur sexe. J’ai une tête, deux pieds et deux bras. J’ai tout ce qu’il me fallait pour jouer. Et je ne voulais pas tout simplement jouer. Je voulais construire une carrière professionnelle.

Tu voulais être joueuse professionnelle de football. Et les études alors ? Tu ne voulais pas étudier ?

WOEDIKOU MAFILLE : Si, si. Je voulais évoluer dans mes études. Je travaillais à l’école pour ne rater aucune année.  J’ai eu le Bac et j’ai commencé par étudier le marketing à l’université. C’est en deuxième année d’université que j’ai laissé tomber les études puisque ma passion pour le foot a grandi et n’a cessé de prendre d’envergure. J’étais sûre que c’est ce que je voulais faire.

Comment tu as fait après avoir laissé les études  ?

WOEDIKOU MAFILLE : Je savais que cela ne serait pas facile vu le contexte et le fait que très peu de filles chez nous s’intéressent au foot.  J’ai commencé par m’entraîner avec les garçons au quartier et à la plage. Je savais que le travail combiné à la détermination pouvait m’aider à tracer le chemin que je voudrais pour moi-même. Je travaillais encore et encore. Plus je travaillais, plus la certitude que c’est possible me venait et je continuais.

Au début mes parents n’ont pas compris ma vision de bâtir une carrière professionnelle dans le football. Surtout ma mère puisque j’étais sa seule fille. Elle était farouchement contre. Elle me frappait au retour quand elle apprend que je suis partie pour jouer. Je comprenais aussi sa logique. Mais je voulais jouer. Des fois, il fallait jouer, se laver les pieds avant de rentrer. Au fil du temps, elle s’est rendue à cette évidence et m’a accordé tout son soutien.

Comment tu as intégré l’équipe féminine ATHLÉTA FC de Lomé ?

WOEDIKOU MAFILLE : J’ai beaucoup joué avec les garçons de mon âge au quartier. Ensuite, j’ai intégré une équipe de garçons, puis une équipe féminine intitulée ESPERANZA FC. J’ai joué avec cette équipe féminine des matchs, participé à des compétitions. C’est dans cette équipe que les dirigeants de ATHLÉTA FC m’ont repéré. Mon travail a été remarqué et l’opportunité m’a été donnée de jouer dans l’équipe nationale féminine de foot du Togo EPERVIERS DAMES.

Dans le championnat national de la saison 2017-2018, j’ai été sacrée meilleure joueuse, meilleure buteuse du TOGO. J’ai participé en 2019 au Tournoi UFOA B Dames. Pour le match contre Les Lionnes de la Téranga du Sénégal, j’ai été désignée meilleure joueuse du match et j’ai eu le trophée WOMAN OF MATCH.

Es-tu épanouie dans le foot comme tu l’aurais voulu ?

WOEDIKOU MAFILLE : Le football, c’est ma passion. C’est tout ce que je veux faire. Et comme je le fais, je suis très épanouie. Seulement qu’il y a des défis de taille qui s’affichent. Le football féminin chez nous n’est pas développé. Il y a certaines conditions propices qui ne sont pas en place.

Quels sont ces défis ?

WOEDIKOU MAFILLE : Je veux faire une carrière à l’international dans le football. Et pour y arriver, j’ai besoin de m’exprimer sur le terrain et montrer ce que je vaux. Le paradoxe est que nous n’avons pas beaucoup de championnats et de compétitions de football féminin. Les talents existent. Par contre les opportunités pour jouer et se faire valoir n’existent pas vraiment. Pire, j’ai reçu plusieurs fois des invitations pour faire des tests médicaux à l’étranger. Mais ma demande de visa n’était pas concluante.

Comment tu fais au milieu de toutes ces difficultés qui ne te facilitent pas le travail ?

WOEDIKOU MAFILLE : Je ne sais pas ce qui adviendrait. Mais je sais que je vais faire ma carrière professionnelle comme je l’estime. C’est une intime conviction. Je vais continuer à travailler encore et encore. À chaque étape, mon enthousiasme et ma détermination vont augmenter.

Fin de l’interview.

Il y avait une telle assurance qui se dégageait de ses réponses. Dans mon esprit, je me suis dit : réalise-t-elle qu’elle se retrouve dans un labyrinthe ? Aucune issue ne semble se pointer devant elle. A quoi s’accroche-t-elle ? D’où puise-t-elle cette abnégation ? J’avoue que j’étais choquée. Dans un sens très positif du terme.

J’ai eu envie de créer avec des ami.e.s une campagne du genre « Des opportunités pour nos Footballeuses ». Puis je me suis laissée emportée dans un flot de questionnements sans réponses. J’ai même fait quelques tweets le 18 septembre 2019 à son sujet pour dire toute mon admiration et souligner aussi mes peines.

Je lui ai dit : Mafille, je crois en toi. Les opportunités ne viennent pas comme tu l’aurais souhaité pour t’exprimer. Ton courage, ton travail et ta résolution de ne jamais laisser tomber sont les clés. Je suis éprise de ta détermination.

Certains jours, je lui envoie des messages :

  • Ça va Mafille ? Pas découragée ?
  • Elle me répond : Ce mot n’existe pas dans mon langage.
  • Moi (dans ma tête) : Wow ! How does she do it?

Des fois, elle m’envoie des photos, des vidéos avec la mention : Je m’entraîne tous les jours. À la plage, au quartier.

Le 02 janvier 2020

Le 02 janvier 2020, je me suis connectée sur facebook. Je défile mes actualités et je lis : Mafille Woedikou Apeafa débarque à l’Entente Sportive des Trois Cités Football en France. L’Internationale Togolaise… J’ai essuyé mes yeux, relu et revu la publication avant de m’enflammer de joie💃💃💃💃💃💃💃💃💃💃💃💃…

Chanceline, c’est une grande joie pour moi d’avoir enfin une chance de mieux vivre ma passion qu’est le football m’a-t-elle confié.

Je lui ai dit que ce sont ses efforts, son travail et sa détermination. Elle devient ainsi l’une des premières footballeuses Togolaises avec une carrière professionnelle à l’international. Son aventure est une leçon.

Dites aux filles dans les communautés : qu’elles peuvent si elles veulent. Qu’elles ont tant de possibilités, tant d’opportunités aujourd’hui, qu’elles peuvent décrocher les étoiles, qu’elles peuvent être des championnes d’un domaine, qu’elles ne laissent personne rétrécir leurs rêves, qu’elles travaillent, qu’elles fassent des choix sains et qu’elles avancent têtes hautes, qu’elles respectent et qu’elles aperçoivent l’avenir comme une lumière et plus comme un tableau noir. Qu’elles se définissent des valeurs et qu’elles avancent.

Mafille Woedikou, Internationale Togolaise de football évoluant désormais à l’Entente Sportive des Trois Cités Football en France lors de ses entraînements à la plage au TOGO