Le jeudi 06 février 2020, j’ai participé à la table ronde objectif enfance au siège de l’Agence française de développement en France. L’évènement a été organisé par le Groupe Enfance ( consortium de 18 ONGs qui œuvrent pour les droits des enfants dans le monde ) dans le cadre des trente (30) ans de la Convention internationale relative aux droits des enfants (CIDE). Les perspectives pour la politique internationale française de développement en matière de droits des enfants étaient au cœur des échanges.

Deux panels ont meublé la table ronde objectif enfance à laquelle j’ai participé en France le jeudi 06 février 2020. J’ai pris la pris la parole au cours du premier panel consacré à l’état des lieux sur les droits des enfants dans le monde.

Intégral de mon plaidoyer présenté à la table ronde objectif enfance

Le rapport CHILD RIGHTS NOW qui vient d’être présente projette très exactement l’état actuel des droits des enfants dans beaucoup de pays. 30 ans de droits de l’enfant et un programme toujours inachevé, c’est toute la réalité.  

Si je suis parmi vous ce soir, ce n’est pas pour participer à une table ronde de plus. Ce n’est pas non plus pour livrer juste des propos. Je suis la parce que je suis moi-même un exemple du fait qu’on peut obtenir des résultats si on investit là où il faut en impliquant les personnes qu’il faut.

J’ai grandi au Bénin dans la commune de Avrankou, un village dans le département de l’Ouémé. J’allais à l’école avec des amies avec qui j’avais beaucoup de projets et de rêves. Nous avions aussi une volonté de réussir et contribuer au développement de notre communauté. Durant le cursus, beaucoup de mes amies sont tombées enceinte précocement. Elles ont été l’objet de commérages et de moqueries. Beaucoup parmi elles ont abandonné l’école. Elles se sont vues contraintes de fonder une famille car renvoyées de la maison pour rejoindre l’auteur des grossesses.

Pour moi c’était une injustice. Parce que ces filles n’avaient pas les informations sur la santé sexuelle pour faire des choix sains. Et après la grossesse, aucun mécanisme n’était en place pour les aider a retourner a l’école et concrétiser leurs rêves. Cette situation m’a profondément marqué. Mon engagement est donc né.

De cette jeune fille à la jeune activiste menant des actions que je suis aujourd’hui, comment le pont s’est mis en place ? En classe de première, quand j’avais 15ans, j’ai eu la chance de participer au programme égalité genre de Corps de la Paix des Etats Unis pendant un an. J’ai été formée sur plusieurs thématiques et c’est cela qui m’a permis de me lancer en tant que jeune fille leader. Je connaissais mes droits et je savais que personne ne pouvait me donner en mariage précoce, que j’ai la possibilité de m’exprimer et de dire mes pensées.

Il y a un an, avec 2 autres jeunes, j’ai initié le programme Académie des jeunes filles leaders pour permettre aux filles de bénéficier de l’opportunité que moi j’ai eu et faire avancer leurs droits. S’il y a une chose qui ne fait pas progresser les droits des enfants, c’est la mentalité des personnes qui induit une chosification grandissante des enfants. Il est donc important d’outiller les enfants et leur permettre de pouvoir connaitre leurs droits, briser le silence en cas de violences.

La politique française de développement en matière de droits des enfants, devrait investir dans des programmes de renforcement de capacités des enfants. L’académie des jeunes filles leaders au Benin ambitionne un jour d’être une institution de référence qui va former des enfants à être des acteurs de promotion de leurs propres droits et à libérer la parole pour demander leur implication.

La célèbre chanteuse béninoise Angélique Kidjo a dit ceci : « C’est aux enfants de parler, de dire leurs souhaits et leurs besoins car personne d’autre ne saurait l’exprimer à leur place ». Il ne devrait pas y avoir de politiques de développement en matière de droits des enfants sans associer les enfants. Ils ont une responsabilité et si on investit dans les politiques et les programmes qui permettent d’agir directement avec et sur les enfants, ils pourront devenir de meilleurs acteurs de leur propre épanouissement. Pour cela, il faut les outiller.

Le programme académie a permis aux filles d’apprendre les techniques d’art oratoire, de leadership et tout sur leurs droits. Ces filles qui au départ ne pouvaient pas se tenir devant un public ont porté un plaidoyer auprès du ministre de la santé du Bénin dans le cadre de la Journée internationale des droits de l’enfant du 20 novembre. N’est-ce pas un bel exemple de leur empowerment ?

Pour faire avancer les droits des enfants, la politique française en matière de développement devrait investir pour renforcer le dialogue entre les autorités et les enfants, les jeunes. Dans la mise en œuvre des projets, les enfants sont comme des spectateurs. On les utilise juste pour parler lors des ateliers, conférences et c’est tout. Les politiques et projets qui sont énoncés prennent-ils entièrement en compte les besoins des enfants ? Personne ne se pose réellement la question.

La politique française doit investir dans la co-création des politiques et des projets entre les autorités, les enfants et les jeunes. Nous, les jeunes, nous avons des responsabilités mais vous aussi, notamment celle de mettre des enfants et des jeunes à la table de prise des décisions.

En 2019, au Bénin, des organisations de jeunes, des ONG et le Fonds des Nations Unies pour la Population ont décidé ensemble de lancer une consultation pour recueillir les voix des filles : leurs rêves, projets et aspirations ; leurs besoins et potentielles barrières. Cela a été une réussite car des jeunes activistes sur le terrain ont été associés. C’est un aspect très capital.

L’année dernière, en prélude à la journée du 20 novembre, l’association nationale du Conseil des enfants du Bénin avait organisé un forum national des enfants. Dans ce cadre une centaine d’enfants représentatifs de tout le pays ont répondu ensemble à une question : Quel est le Bénin dont nous rêvons ?

Ils ont répondu que nous rêvons d’un Bénin où les enfants sont protégés, où les auteurs des violations des droits de l’enfant sont punis et où la participation de l’enfant est une réalité, d’un Bénin dans lequel les enfants ont droit à une éducation de qualité et où les enfants les plus pauvres reçoivent de l’État un soutien pour leur scolarisation, d’un Bénin où les enfants se portent bien, mangent à leur faim et ne meurent plus.  

Ces préoccupations ont fait l’objet d’un plaidoyer devant les ministres du Benin. Ils ont pris des engagements. Ils prennent toujours des engagements. Des efforts sont faits. Des actes posés. Mais la taille des discours dépasse encore la taille des actions. Il n’y a pas d’espaces pour permettre aux enfants d’exiger une redevabilité. Si des engagements sont pris, des investissements faits, pourquoi les droits des enfants n’avancent pas ?

Parce que tous les engagements ne sont pas respectés. Et il faut pouvoir exiger des réponses et relancer les actions. Les enfants ni les jeunes ne sont pas formés pour demander des comptes aux autorités. C’est une faille qui ne fait pas avancer la promotion des droits des enfants.

Les jeunes au Benin ont besoin de se constituer en réseau et en coalition pour un activisme impactant qui fasse évoluer les droits des enfants. Un paquet d’accompagnement technique et financier de ces jeunes serait un grand atout pour développer leur activisme. Lorsqu’ils sont en rang dispersés, la voix des jeunes ne porte pas auprès des autorités. 

A l’occasion de la Journée Internationale de la Fille en 2019, dans le cadre de la campagne « Aux filles l’égalité » de Plan International, j’ai fait un plaidoyer au nom de 25 organisations de jeunesse devant la ministre des affaires sociales du Benin au sujet des violences subies par les filles dans les communautés. Après cette action, la ministre a initié une campagne sur l’image de soi et l’estime de soi pour les filles. C’est une première au Benin.

Mon rêve n’est pas de participer à des tables rondes simplement. Non. Mais de faire partie d’un mouvement. M’assoir là où les choses se décident pour moi et pour les enfants. Là où j’aurai une voix. Le Benin est un pays prioritaire pour la France en termes d’aide au développement. Il est temps d’arrêter des investissements pour les enfants et les jeunes sans les associer. Avec nous, vos investissements seront faits là où il faut et les droits de l’enfant avanceront.

La rencontre avec le Plan des jeunes (PDJ)

Durant mon séjour, en prélude à ma participation à la table ronde objectif enfance, j’ai rencontré le Plan Des jeunes (PDJ). Ce sont des jeunes bénévoles engagés auprès de Plan International France pour les droits des enfants et l’égalité filles-garçons. Ces jeunes constituent le conseil consultatif de leurs paires aux côtés de Plan International France. Ils mènent plusieurs actions pour les droits des enfants et l’égalité filles-garçons avec Plan International France.

La discussion avec ces semblables à moi a été très intéressante. J’ai partagé les raisons pour lesquelles je me suis engagée, comment mon engagement se traduit en actions, nos liens avec les autorités et les avancées constatées. Des questions m’ont été posées. J’y ai répondu et elles m’ont permis de clarifier encore l’engagement des jeunes au Bénin pour les droits des enfants.

Pour l’histoire, c’est à la suite d’un appel à candidature lancé dans la sous-région par Plan International West and Central Africa que j’ai postulé en Novembre 2019 pour porter la voix des enfants et des jeunes à la table ronde objectif enfance. Ma participation à la table ronde objectif enfance m’a permis non seulement de porter un plaidoyer mais de voir l’espoir et les perspectives qu’ont les enfants et les jeunes pour leur implication concrète.